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LA SANTE
de la médecine
M'INQUIETE
Jusque là, ça allait plutôt bien. La loi avait banni l'exercice illégal de la médecine et cette tautologie avait été résolue par les soins combinés des Facultés diplômantes et des juridictions sanctionnantes. Puis la société s'était mise de la partie, en vidant les campagnes de leurs paysans, de leurs curés chiropracteurs et de leurs sorciers, à quelques Berry ou Maine près. Après quoi les moeurs s'en étaient puissamment mêlées : la désertification des églises avait fait, du cabinet médical, le substitut du confessionnal, puis la mode des cheveux à la va-comme-je-te-pousse avait raréfié cet autre office à confidences qu'était le salon de coiffure. Peu après, la levée des tabous sexuels avait balayé les vertus catholiques des autorités ordinales, pour déplacer les problèmes de contraception et d'avortement des herboristeries et autres officines où des anges passaient, vers des soins et conseils médicaux dûment modernisés. Même l'hôpital, vidé de ses bonnes soeurs cureteuses sans anesthésie, s'était entrouvert à l'IVG, à l'heure où la France était sillonnée de TGV. Oui, ça allait plutôt bien, d'autant que la Sécu solvabilisait la demande de soins, de palliatifs et de placebos à un niveau que d'autres Amériques, moins civilisées, nous enviaient !
Bon, je l'admets, il restait néanmoins quelques symptômes douloureux que le corps médical, aussi peu doué que les autres corps d'état, pour l'auto-palpation et l'auto-analyse, n'arrivait pas à assembler en un syndrome traitable, si bien que ce corps faisait chorus avec ceux qui chantaient "Des sous, Charlot !", quel que soit le Charlot ou la Martine de service. De quelques parties dudit corps montaient pourtant des opinions un peu plus - comment dire ? - médicales ? Ceux qui craignaient les effets ravageurs des analogies sociologiques entre l'artisanat boutiquier (défendre son bout de trottoir, captiver et capter une clientèle, etc.) et l'exercice ambulatoire de la médecine urbaine et libérale, rêvèrent un moment, avec leur prophète Nedelec et d'autres, à une médecine de groupe, qui se résorba, le plus souvent, en maisons médicales où la synergie se réduisait à la copropriété d'une secrétaire-standardiste ou à quelque autre variante de la coopération par juxtaposition. D'autres, déjà engagés d'un bras ou de plein corps dans la mécanique hospitalière, explorèrent certains des chemins qui mènent de l'artisanat à l'industrie, mais de mauvaises langues me disent qu'ils échouèrent trop souvent sur les écueils de la départementalisation ou les récifs des chefs de service volant de symposium international en cours magistral et en conférences professionnelles, non sans détours par leurs cabinets personnels. De tous ces cancans généralement mal fondés et de toutes les autres médisances dont le corps médical pourrait être la cible, je n'ose pas tenir compte, d'autant que mon ignorance des choses médicales et du vécu des médecins est pratiquement illimitée. Tout au plus retiendrai-je ce trait global : le corps médical n'est pas porté à l'auto-diagnostic, il revendique nettement plus qu'il ne propose.
Et c'est bien pour cela que sa santé m'inquiète, quand je jette un coup d'oeil sur ce que les prochaines d